Lire entre des lignes non écrites. Vouloir partager une perception du monde.
Je voulais écrire toute la nuit, mais voilà ce qu'il s'est passé : une fois les deux premières lignes écrites, Nawel est descendue, accompagnée de son narcissime. Elle oblige ma mère à justifier sa présence dans sa chambre, toujours avec le sourire, et la préconception de son statut dans cette famille, dans le monde. Pour elle, même si elle le nie, il n'y a qu'un point de vue, qu'une seule perspective juste, immuable. Les objets et êtres, ne sont pas eux mêmes, mais uniquement leur image imprimée par cette unique perspective. Sa présence définie, en béton, qui ne pourrait être modelée, uniquement détruite, me pousse à quitter ce lieu, afin de préserver l'étendue de mon ego. Me voilà, maintenant, en train d'écrire des mots que je ne pensais pas écrire ce soir. Mais ce sont ces mots qui se sont présenté à moi. Ceux qui m'avaient effleurer précédemment, se sont évanouis, ou n'ont simplement jamais été. Je dois bien avouer, que je lui souhaite souvent de disparaître de ma vie. Ou plutôt me souhaite de disparaître de la sienne. C'est quelque chose que je ne pourrais pas avouer à ma famille, mais son existence en tant que «ma sœur» me pèse, au point que je l'écrive. Une partie de moi, se sent condamnable de ressentir, souhaiter, et exprimer de telles choses. Cette partie là doute de moi même, de ce que je ressens, et intériorise des mots qu'elle a utilisée pour me décrire. «Sociopathe», «pervers narcissique» «folle». Et ces doutes, je ne peux pas les gommer totalement. L'idée est en moi, j'espère qu'un jour quelqu'un les effacera pour moi. Une autre partie de moi, se sent légitime de penser tout ça, une partie plus intuitive et paradoxalement plus rationnelle aussi. Donc au final dois je faire confiance en mes doutes ou en mon intuition et à ma raison? C'est assez comique que ces derniers ne puissent pas mettre fin à mes doutes. Ce qui est d'autant plus poilant, c'est que ma capacité à me remettre en question constamment soit relativement récente, mais déjà inscrite dans mon fonctionnement. J'étais de ceux, sûr d'eux-même (tout comme Nawel à vraie dire), qui ne doutent jamais, qui voient le monde à travers eux même et se considèrent comme seul point fiable. Mais dans le but de développer ma sagesse, et m'occuper de mon complexe de supériorité ainsi que de mon ego-centrisme, j'ai commencé à me remettre en question. J'ai d'abord questionné mes certitudes, essayé de jouer avec mes perspectives, après avoir admis que mon point de vue ne pouvait, lui, pas se déplacer en dehors de moi même. Le problème, je pense, est que ce soit devenu un automatisme, et non pas un travail de l'esprit. Je ne choisis plus le doute, le questionnement, l'incertitude, ils sont là, constamment. Il m'arrive parfois de toucher la certitude du doigt, mais celle-ci s’évanouit de la même manière que mes mots précédemment, comme si elle n'avait jamais été. Maintenant, que j'en suis là, faut il revenir en arrière, chercher la connaissance sure, la «vérité», ou devrais-je me questionner de la nécessité de celle-ci? Étonnement pour certain, il m'est plus facile de prendre le second chemin. Il m'a toujours paru plus simple d'aller vers l'inconnu, plutôt que de revisiter des états passés, mais tellement lointain qu'ils n'ont plus rien de réels. «ἕν οἶδα ὅτι οὐδὲν οἶδα », Je sais que je ne sais rien, mots attribués à notre cher Socrate. Si l'on est d'accord avec lui, alors j'ai la réponse à ma question. La certitude n'est pas seulement superflue, elle est un frein à la sagesse. Il ne s'agit pas d'une éloge de l'ignorance, mais plutôt une mise en relation de savoirs avec croyances. Toutes les connaissances que l'on puisse apprendre ne sont que les résultats de systèmes de croyances, toute ma perception du monde et de mon ego découle de croyances que je choisis, consciemment ou inconsciemment. Ainsi, le travail, pour moi, et de prendre conscience de ces croyances, leur sources. Sont elles issues de moi même ou de l'extérieur? Continuer à se poser les questions, et écouter toutes les réponses, aucune d'entre elles ne sont des vérités. Comment puis je donc me définir, m'ancrer, dans l'incertitude? Pourquoi devrais-je faire cela, je ne suis pas un bloc de béton, j'ai un corps matériel certes. Mais je suis fluide, shapeshifter, adaptable, changeant, ne rien savoir c'est être ouvert à toutes les réponses. C'est se donner la liberté, et accepter sa capacité, à être tout, à comprendre tout. J'aimerai pouvoir vivre comme un observateur, un témoin qui ne prend pas position, mais la réalité est que je suis dans une position, j'ai un point de vue, plus mutable que je pourrais le penser, je ressens et j'ai parfois même des opinions. Je me dois seulement à moi même, le recul nécessaire au mouvement, à la danse de mon existence, non entravée par des certitudes. J'embrasse le doute, je ne me noie pas dedans.